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Les Spectacles de la Foire.
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pied et de poing et enfuite la prit pour la jeter dans la rue par la fenêtre, ce qui était fur le point d'être exécuté fans le principal locataire qui, entendant les cris et les alarmes de la plaignante, eft monté pour l'empêcher. Le fleur Gagneur fut retenu plutôt par la crainte des voifins que par aucun fentiment d'humanité, car, pour ne point faire de bruit chez lui lorfqu'il maltraitoit fa femme, il lui prenoit les bras qu'il lui renverfoit par derrière, ce qui lui cau-foit des évanouiffemens terribles, enfuite il la laiflbit dans cet état fur Ie carreau, puis il fortoit, fermoit la porte à la clef et la laiflbit expofée à mourir fans pouvoir être fecourue de perfonne, la porte étant fermée fur elle. Lorfqu'il revenoit à Paris il lui difoit : « Comment I tu n'es pas encore morte! » Il lui réitéra plufieurs fois les mêmes maltraitemens et lui a caffé les dents dans la bouche d'un coup de poing dont elle -a été malade fort longtems, lui difant qu'elle étoit marquée pour toute fa vie. Il eft étonnant qu'après tout ce que'la plaignante a fouffert par les maltraitemens de fon mari elle ait pu échapper à la mort.
La foire St-Germain étant finie, ledit fleur Gagneur quitta totalement fa femme après lui avoir vendu toutes fés hardes, même fa robe de noces et joyaux, jufqu'à fés boucles de fouliers dont il fit beaucoup d'argent et s'en fut dans les villes de province avec fés concubines l'Hongroise, la Placide et autres bateleurs en troupe. La plaignante fut réduite ù la mifère par fon mari, et par furcroit de malheur elle fut obligée de paffer les grands remèdes de la maladie vénérienne que fon mari lui avoit donnée avant fon départ.
Le fleur Gagneur après fés différentes courfes, en revenant à Paris, fe préfentoit chez fa femme qui le recevoit, comptant toujours qu'il changeroit de vie, mais, de quelque façon qu'elle ait pu s'y prendre, elle n'a jamais pu réuflir. Elle a toujours effuyé fés mauvais traitemens : La nuit, il lui bou-choit la bouche pour lui empêcher de crier lorfqu'il lui attachoit les bras derrière le dos; et, quand elle ne pouvoit plus refpirer, il la laiflbit là, s'en . alloit trouver fés concubines et fermoit la porte à la clef: elle faillit plufieurs fois de périr dans cet état, ne pouvant fe donner aucun fecours d'elle-même. Enfin il lui donna une féconde fois la maladie vénérienne et elle fut obligée de fe faire traiter. Son chirurgien, qui pourra certifier le fait, lui confeilla de ne pas s'expofer davantage avec fon mari, parce que, étant d'une complexion délicate, elle périroit par les remèdes. Dans ces prconftances auffi triftes que dangereufes la plaignante, laffée de fe voir maltraiter fi cruellement par un mari qui ne lui parloit que d'épée, de couteau ou de l'étouffer, et lui difant de s'en aller, qu'il n'avoit pas befoin d'elle pour gagner fon diner, lui tenant d'ailleurs d'autres difcours infâmes que l'honnêteté et la pudeur ne permettent pas d'écrire, fe voyant réduite à la dernière néceflité, ne pouvant plus continuer fon commerce, l'iriconduite de fon mari ayant empêché les marchands de lui confier des marchandifes ; enfin, ne pouvant plus compter fur un homme qui, au lieu d'agir en mari, fe démontroit partout fon bourreau, elle fut fe jeter aux pieds de fon père pour implorer fon fecours , mais, dans le tems où elle ne pouvoit pas avoir un plus grand befoin de trouver
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